Parler de peinture est difficile, le discours s’épuise là où la peinture dit ce que les mots ne peuvent nommer. Parler de son travail est encore plus difficile. Pour le tenter je pourrais me demander "Pourquoi peins-tu ? Quelle pertinence de la peinture ? Quelle place tient-elle en rapport à l’interface numérique, la photo, l’installation … ?" Je pourrais répondre "C’est un acte de résistance, le plomb qui chauffe et disjoncte la machine."
Lascaux est un ensemble d’individualités. Aujourd’hui chacun est dans sa caverne et les ombres se projetant sur les parois proviennent du moniteur. Et c’est tant mieux. Le statut de la peinture n’est pas remis en cause, elle a sa nécessaire place. Seulement, ultime luxe, il lui faut prendre son temps, ou plus précisément ses temps : celui de sa conception puis celui de sa contemplation.
Les propriétés picturales (viscosité, épaisseur, fluidité, transparence …) propres à garder la trace et transcrire le geste font de la peinture une expérience sensible du monde (tant pour l’émetteur que pour le récepteur), ses particularités propres à inventer de nouvelles formes, à produire de nouvelles manières de voir, permettent de la placer éminemment parmi les pratiques les plus contemporaines.
Le parcours est sinueux, il est en train de se faire, je suis au milieu du gué, j’ai quitté la rive boisée et n’atteins pas encore le verger. Le processus de création procède par séries. Pendant plusieurs années, mon travail a eu pour problématique le portrait, un portrait "idéal" au sens premier. Il quêtait une identité, une individualité. Il était l’expression d’un regard intérieur.
Parallèlement, depuis 2001, s’est imposée la nécessité d’un regard vers l’extérieur. La série des "mains peignant" et "autoportraits sans visage" questionnent, à leur tour, la place du sujet en peinture. C’est la représentation d’un "point de vue".
En 2004-2005, dans la série les "manu-mentales", la main reste au centre de ma recherche. La main, sujet intime, est ici prétexte à peindre. Prise comme objet, elle devient monument, sculpture plate, bidimensionnelle. Bien que de facture réaliste elle fait signe autobiographique, elle tend vers l’impersonnel.
En fait, le véritable sujet est peut-être la peinture elle-même. A me représenter peindre, c’est à la peinture que je tire le portrait.